Depuis mars dernier, Anne Le Tallec, directrice adjointe de l’Institut Sainte Geneviève, a été nommée présidente du RECA. Elle évoque pour e-RECA les principales orientations qu’elle souhaite impulser sous son mandat.
1) Pouvez-vous en quelques mots raconter votre parcours ?
Mon intérêt pour l’image, l’imagination, la narration existe depuis que je suis toute petite. Mes loisirs ont toujours été créatifs : photographie argentique, photogravure, dessin, écriture… C’est donc naturellement que j’ai suivi des études d’histoire de l’art, avec une spécialisation en histoire de la photographie documentaire. Ma thèse, réalisée grâce à une bourse d’études à San Diego, portait sur ce sujet. Cette appétence pour l’image documentaire m’a amené à travailler à l’Institut Sainte Geneviève en cinéma d’animation où j’ai cocrée la section « Animation au service du réel », inspirée du quotidien, du réel par des aspects soit documentaires, soit didactiques…
A mon arrivée à Sainte Geneviève, j’ai rapidement été en charge des partenariats pédagogiques et c’est à ce titre que j’ai commencé à m’intéresser au RECA, à participer aux différentes activités que proposait le réseau et à tisser des liens avec ses membres.
Aujourd’hui je suis la directrice adjointe de la STD2A (Science et Technologie du Design et des Arts Appliqués) et des DNMADe de Sainte Geneviève, je m’occupe également du bureau international de l’école et continue parallèlement d’enseigner la démarche de projet.
2) Que représente pour vous le RECA ?
C’est Patricia Stroud qui m’a fait découvrir le RECA. C’était très stimulant de suivre tous ces échanges autour de sujets communs et de voir des gens d’écoles différentes essayer de travailler ensemble.
Aujourd’hui cette volonté est toujours présente ! Et je me rends compte à quel point c’est une vraie chance. Le pari de réconcilier les écoles publiques, les écoles privées et toutes les formes de pédagogies est gagné. Pour moi, le RECA reste cet espace de réflexions et d’échanges inclusif, où tous ceux qui le souhaitent peuvent s’investir. Il s’agit d’un vrai projet collectif.
Au fil du temps, le RECA a également pris de l’ampleur au travers de nouvelles actions. De réflexions uniquement entre pairs à ses débuts, les échanges se font de plus en plus avec l’ensemble de l’écosystème de l’animation. Cette évolution est très intéressante. Et constitue à mon sens une des forces du RECA.
Bien évidemment, le réseau représente également un gage de qualité des écoles. Nous menons d’ailleurs actuellement des discussions autour de la question. C’est aussi, pour ses membres, une ambition participative, notamment avec le monde professionnel, une véritable passerelle.
3) Vous venez d’être nommée Présidente. Quelles sont les 1ères actions que vous souhaitez mettre en place ?
L’une des problématiques actuelles qui inquiètent le plus nos étudiants concernent les stages et c’est pour cela que nous organisons en octobre prochain les assises du stage. Elles permettront à tous ceux qui se sentent concernés de prendre la parole et d’exposer leur point de vue. Le stage est ce qui relie le monde de la formation au monde des studios. Ceux-ci attendent des jeunes talents opérationnels dès leur sortie d’école. Pour cela, ils doivent acquérir une expérience que seuls la mise en situation professionnelle peut leur prodiguer.
Nous avions déjà organisé, il y a quelques années, des assises de l’alternance qui avait permis à chacun de formuler les points de blocage.
Les assises du stage seront un temps fort de 2023. J’insiste sur ce rôle participatif que doit encourager le RECA. J’en profite pour lancer un appel à tous ceux qui souhaiteraient exposer leur point de vue. Ces assises seront le début d’une réflexion. Nous aimerions en faire une première restitution aux RAF, en novembre à Angoulême. Mais les échanges avec les studios, les services de ressources humaines, devront continuer au-delà ! Car la question est d’autant plus d’actualité qu’avec le plan France 2030, le secteur va connaître un nouveau déploiement qui ira de pair avec le déploiement des écoles, donc du nombre d’étudiants à la recherche de stage !
Le stage, pour un étudiant, est une véritable opportunité professionnelle. Pour beaucoup, il peut même valider la formation. C’est surtout une expérience qui leur permet d’appréhender les soft skills.
Bien évidemment et plus généralement, le RECA poursuivra ses missions « historiques » (cartographie des formations, informations et conseil, dialogue avec le secteur…) et l’organisation de divers évènements qui ont trouvé leur place dans le secteur : les Journées du RECA, les Soirées du RECA, le concours sur l’égalité Femmes / Hommes…
4) Certains craignent pourtant un ralentissement de l’expansion du secteur de l’animation. Qu’en pensez-vous ? Comment le vivez-vous en tant que responsable d’écoles ?
L’expansion que l’on connaît depuis plusieurs années est sans doute en train de s’essouffler. Mais de là à craindre une régression du secteur, il y a loin ! Bien sûr certaines productions se sont arrêtées. Mais si l’on prend un peu de recul, on constate que l’animation reste un secteur porteur. Et même si sa croissance ralentit un peu, elle reste positive. Cela peut nous questionner sur l’employabilité de nos étudiants. Peut-être devons-nous réfléchir à les former plus en production où les besoins sont importants. Ce serait par ailleurs très enrichissant pour les étudiants et leur possibilité d’évolution professionnelle. On ne peut pas se projeter dans ce secteur sans connaître la production.
Un point peut-être encore plus important à souligner est la modification probable des métiers de l’animation avec les VFX, le temps réel, l’intelligence artificielle… Les responsables d’écoles sont particulièrement vigilants dans le suivi de ces évolutions pour essayer d’adapter les formations aux futurs besoins.
Au-delà de l’animation, l’IA va avoir une influence dans tous les domaines. En tant qu’enseignants, il nous faudra sans doute repenser nos méthodes. Nous devons nous saisir des immenses opportunités qu’offre l’IA plutôt que d’en avoir peur. En faire un outil et un matériau créatifs.
Il faut aussi souligner que les techniques de l’animation ne servent pas uniquement au cinéma. On peut les retrouver dans d’autres secteurs. De plus en plus de documentaires par exemple ont recours à l’animation. Comme de multiples formes de communication visuelle dans des secteurs très différents tels l’architecture, l’industrie ou le domaine médical ou scientifique.
5) Votre école a un positionnement particulier. Cela a-t-il une quelconque influence sur vos étudiants ?
Cette année nous faisons face à une explosion des demandes d’admissions. J’ai observé que ce phénomène débute très tôt (ndlr : l’Institut Sainte Geneviève accueille des élèves de la maternelle au bac + 3). Dès la 3ème, nos lycéens fabriquent par leurs propres moyens des petites animations, souvent de style manga… Et certains ont déjà un projet d’études très clair. Dans l’imaginaire des lycéens, l’animation offre des métiers très enthousiasmants…Tout comme le secteur du jeu vidéo.
Sainte-Geneviève, comparée à d’autres écoles, est une très petite formation. Chaque année nous ne formons « que » 32 étudiants dans notre
DNMADE. Nous sommes donc loin d’inonder le secteur ! D’autant plus que la très grande majorité de nos diplômés poursuit ses études en master, ou complète son cursus avec une année de spécialisation plus technique. Notre vocation n’est pas nécessairement, même si cela reste possible, d’envoyer les étudiants directement sur le marché du travail.
6) Pour conclure : vous êtes la première Présidente du RECA. A votre avis, réussir dans l’animation est-il plus difficile pour une femme que pour un homme ?
Dans la filière animation de l’Institut Sainte Geneviève, nous avons autant d’enseignants femmes que d’enseignants hommes. Ce sont tous des professionnels de l’animation. Côté élèves, il y a même plus de jeunes filles que de jeunes hommes !
Nous avons l’habitude de travailler ensemble.
Et si l’on revient aux valeurs du RECA, c’est important de mixer à la fois les écoles, les formations, les pédagogies… et les genres !
Contact : Anne Le Tallec – Institut Sainte Geneviève – Paris – E-mail : adjlt@isg6.paris