Aux Rencontres Animation Formation (RAF) 2023 à Angoulême, le RECA annonçait le lancement d’un processus de labellisation de ses écoles membres. Après un long et nécessaire travail de réflexion, mené par plusieurs groupes représentatifs des différents statuts des écoles, le projet est entré dans sa phase de réalisation en début d’année.
Sur fond de crise du secteur, Anne Le Tallec, Directrice du Lycée Technologique et du DNMADe de l’Institut Sainte Geneviève et Présidente du RECA, et Simon Vanesse, Directeur Général d’ARTFX et membre du conseil d’administration du RECA responsable du projet de labellisation, font le point.
1) Pouvez-vous rappeler les motivations qui ont amené le RECA à mettre en œuvre un processus de labellisation ?
Anne Le Tallec : Ce projet a été initié il y a maintenant 2 ans, en réponse à différents facteurs : la multiplication des offres de formation, et conséquemment, l’augmentation du nombre de sortants alors que les rumeurs annonçaient déjà des baisses d’employabilité à venir dans le secteur – à quoi s’ajoutait une communication douteuse de certains organismes engendrant une opacité de l’information incompatible avec un choix éclairé des jeunes et des familles.
La création d’un label RECA avait de fait plusieurs objectifs : offrir aux futurs étudiants des informations fiables et vérifiées, afficher la volonté des écoles membres de se démarquer par la transparence de leurs chiffres et de leurs outils pédagogiques, afficher également la volonté d’avoir des règles identiques pour toutes, et de proposer une concurrence, car elle existe, saine et basée sur des faits et données réels.
Simon Vanesse : En effet, la clarification de l’offre de formation est l’un des fondements de la création de notre réseau, il y a plus de 15 ans. Nous défendons également la promotion d’usages positifs par une mutualisation de bonnes pratiques et la défense de valeurs éthiques. Ce sont les deux sujets que couvre le label RECA : transparence et engagement, à travers des normes d’affichages et des normes d’usages clairement établies.
2) Qu’est-ce que cela va changer concrètement pour les étudiants et leurs familles ?
ALT : Le choix d’une formation pourra se faire d’après des chiffres vérifiés par un audit indépendant, calculés de la même manière pour toutes les écoles du RECA. Les informations seront regroupées et accessibles en intégralité sur le site du RECA. Elles seront aussi disponibles sur les sites des écoles. Le site du RECA doit devenir un repère clair, facilement identifiable pour les familles, recensant les formations labellisées et engagées dans un processus de transparence. Les écoles qui ne répondraient pas aux exigences du label ne feront plus partie du RECA.
SV : Nos écoles font partie d’un écosystème complet qui est attaché à la qualité de ses écoles. Qualité qui est aussi pour les studios un argument important pour se positionner sur le marché européen et international. Construire une offre de formation lisible, c’est permettre aux formations qualitatives de se démarquer autrement que par de coûteuses actions de communication et en cela, les aider à ne pas être écrasées par ce jeu de communication.
ALT : Notre label sera de fait encore plus efficace si les studios et les familles nous accompagnent dans notre démarche, en restant attentifs à l’origine des stagiaires et juniors pour les premiers, en prenant soin de bien analyser les offres des écoles et les informations communiquées pour les deuxièmes.
3) Où en est le processus aujourd’hui ? Quand connaîtrons-nous les premiers résultats ?
SV : Nous sommes aujourd’hui entrés dans la phase de déploiement du label. Chaque école membre du réseau va être auditée par un cabinet indépendant. Les audits ont commencé en février. Au 20 mars, 5 écoles ont déjà été auditées et le processus se poursuit à un rythme de 2 à 3 écoles par mois.
Cette étape est la concrétisation d’un travail précis d’établissement de règles et de moyens de contrôle et de vérification, mené par des discussions avec les 34 écoles du RECA et qui a abouti à la construction de ce premier label. Un label qui a choisi d’être plus contraignant que d’autres contrôles existants et qui permet réellement d’assurer la fiabilité des données collectées. Le cabinet d’audit Indaba, connu pour ses actions de conseil et d’audit dans le monde social et solidaire, a été un choix important pour garantir l’indépendance des contrôles dans les valeurs de notre association.
ALT : C’est un mécanisme qui prend du temps. Mais ce temps est nécessaire car il garantit la conformité des informations et leur croisement. Il faut aussi savoir que si la vérification des données affichées par les écoles est réalisée par un cabinet d’audit externe indépendant, le label sera finalement attribué, après ce contrôle de conformité indépendant, par un comité de « labellisation RECA » composé des membres du Conseil d’Administration et auquel sera convié des professionnels du secteur qui donnera le label en s’appuyant aussi sur l’implication des écoles dans les activités du réseau.
Nous réfléchissons à la possibilité d’organiser un évènement, en présence des professionnels, pour annoncer les résultats.
Ce label est par ailleurs un engagement sur le temps et toutes les écoles devront repasser ces audits de manière aléatoire au fil des années.
4) Trois écoles membres du RECA sont citées dans un livre pointant les dérives d’un grand groupe de l’enseignement privé supérieur. Pensez-vous que la labellisation puisse répondre aux questions soulevées ?
ALT : En effet, ce livre dénonce des dysfonctionnements et pratiques dans certaines écoles du groupe que le RECA ne pourrait cautionner. L’autrice traite l’enseignement supérieur comme un ensemble homogène. Or, nous avons des modes de fonctionnement particuliers, propres au secteur de l’animation. Il faut donc savoir faire la part des choses. Le travail de labellisation que nous avons entrepris, bien avant la publication de ce livre, répond à une grande partie des questions soulevées. Par exemple, le nombre d’heures de cours avec un ou une enseignant-e indiqué-e par les écoles ou encore les informations claires sur le diplôme ou les titres RNCP, le nombre d’étudiantes et d’étudiantes par classe et par promotion, son caractère officiel…
Il faut aussi souligner que le RECA est une association loi 1901, reconnue d’intérêt général, ouverte à toutes les écoles d’animation qui se reconnaissent dans nos valeurs. Nous ne sommes ni une organisation politique, Ni une organisation syndicale. Et nous tenons à cette indépendance. Ainsi qu’à une recherche permanente d’amélioration. C’est pourquoi notre processus n’est pas figé : il évoluera dans le temps. Nous nous laissons la possibilité de renforcer ou ajouter certains critères à la labellisation.
SV : Dans les valeurs décrites dans notre charte, nous nous engageons tous à défendre un cadre pédagogique soucieux de la responsabilité propre à une école : celle d’avoir la charge de donner un cadre pédagogique pertinent à un temps de la vie de nos étudiantes et étudiants. Un temps majoritairement consacré à l’étude et l’acquisition des compétences clés pour se développer dans les métiers de l’animation. C’est une responsabilité importante. Et en cela, nos écoles ne sont pas des sociétés, institutions, associations comme les autres, elles ont une responsabilité sociétale importante. Les éléments décrits dans ce livre présentent des manques réels à cet engagement. Alors oui, ce livre interroge. La charte du RECA est l’expression de cet engagement et le label est une façon de le renforcer en le rendant alors ces deux éléments doivent aujourd’hui être remis sur le devant pour discuter des éléments décrits dans ce livre.
5) Allez-vous prendre des mesures particulières concernant ces établissements ?
ALT : A la demande même de certains d’entre eux, nous avons proposé d’avancer leur audit. Le traitement en revanche restera le même pour toutes les écoles : grandes, petites, indépendantes, appartenant à un groupe, privées, publiques, consulaires…
SV : En plus de cette démarche anticipée, une assemblée générale extraordinaire des membres de l’association a été votée et va être organisée dans les semaines qui viennent pour discuter et statuer sur ce que ce livre décrit et des implications pour le RECA et ses écoles. C’est un sujet et une discussion qui comptent pour beaucoup de nos écoles et que nous souhaitons prendre avec tout le sérieux possible. Par ailleurs, même si nous pensons qu’une partie significative des sujets abordés dans le livre peuvent trouver une réponse dans cette démarche de labellisation, nous prendrons aussi un temps pour réfléchir et tenter de continuer à amender notre label pour qu’il tente de couvrir le maximum de sujets et de défaillances qui pourraient être évités dans le futur.
6) Comment le RECA peut-il aider les écoles et leurs étudiants à traverser la crise actuelle du secteur ?
ALT : La meilleure chose à faire est d’être très transparent sur la santé du secteur. Expliquer la crise. Mais également informer sur les autres débouchés offerts par nos formations, dans d’autres secteurs que celui du pur loisir. D’autres secteurs économiques recherchent aussi des profils « animation et image animée ». Nous continuons également d’organiser des évènements de networking comme nos Journées du RECA, qui mettent en relation les jeunes talents et le monde professionnel.
SV : Le secteur subit une restructuration importante, liée à un changement profond de la demande des donneurs d’ordre (streamers / diffuseurs historiques). L’insertion de nos étudiants à la sortie des études est ainsi devenue plus difficile. Le marché ne reviendra pas à l’euphorie que l’on a connu pendant plusieurs années, mais il continuera à être un secteur et une industrie nécessaire, innovante et, nous en sommes convaincus, capable d’être assez créative pour continuer à attirer l’intérêt des audiences.
A la suite de ces changements, on voit déjà aujourd’hui de nouvelles structures et de nouveaux formats se développer, créant de nouvelles opportunités. En tant qu’école, nous nous devons de suivre et d’informer nos étudiants sur ces changements, pour continuer à leur donner en plus des compétences artistiques et techniques nécessaires à leur insertion professionnelle, une capacité à développer leur profil pour pouvoir initier ou participer aux futures créations de ce domaine.