Le Pôle Image Magelis a édité un guide de survie pour les étudiants en cinéma d’animation qui explique en 200 cases illustrées le régime de l’intermittence et son fonctionnement : l’inscription à Pôle Emploi, l’actualisation, la demande d’allocation, la date anniversaire, les congés spectacles, la médecine du travail et donne des astuces et liens utiles pour se tenir informé. Imprimé en 1200 exemplaires distribués aux étudiants angoumoisins des écoles de l’image en dernière année d’études ainsi qu’aux studios d’animation angoumoisins, le guide est disponible en ligne gratuitement sur le site des Rencontres Animation Formation (www.rencontres-animation-formation.org/ressources).
e-RECA a rencontré son auteur, Antoine David, un jeune intermittent diplômé de l’EMCA et de l’école Estienne.
1/ Qu’est-ce qui vous a mené à l’animation ?
J’ai attrapé le virus de l’animation dès le lycée, grâce à un étudiant des Arts Déco avec qui je prenais des cours de dessin. Après un bac économique et social, j’ai suivi une MANAA (mise à niveau en arts appliqués) à l’école Estienne. J’ai ensuite intégré leur DMA (Diplôme des Métiers d’Art) en 3D, bien que je sois plutôt attiré par la 2D. Au bout des 2 ans que durait le cursus, je me sentais trop fragile sur mes capacités d’animateur ou même de technicien 3D. J’ai donc cherché à poursuivre mes études. Pendant 1 an, j’ai suivi une formation en illustration, avant d’intégrer l’EMCA, directement en 2ème année. Quand j’en suis sorti, en 2019, cela a été assez compliqué de trouver du travail. J’avais une formation plutôt généraliste et les studios cherchaient plutôt des « spécialistes ». C’est aussi une question de timing : il y a toujours le risque d’arriver à un moment de creux du secteur, ou quand les équipes sont déjà constituées. Sans oublier le COVID qui a décalé, voire annulé, plusieurs productions. Trouver mon 1er emploi a vraiment été difficile. Heureusement, après, tout devient plus simple !
J’ai commencé par un poste en layout 3D, dans lequel je ne m’épanouissais pas forcément. J’ai continué de postuler sur différents postes. Et j’ai été contacté pour travailler sur des effets spéciaux, d’abord pour un court métrage, puis sur un long. J’ai appris beaucoup de choses ! Et surtout c’est là que je me suis découvert un vrai goût pour les FX. Actuellement je travaille d’ailleurs toujours dans ce domaine.
2/ Quand et pourquoi avez-vous pensé créer ce “guide de survie” ?
Quand j’ai commencé à travailler, en intermittent, je ne savais pas comment fonctionnait le régime et je me posais beaucoup de questions. J’ai commencé à éplucher la documentation de pôle Emploi, à m’informer sur internet…. J’y ai trouvé beaucoup de choses mais c’était assez indigeste ! Je me suis donc dit qu’il y avait quelque chose à faire pour rendre tout cela plus accessible.
C’est comme cela que j’ai commencé à écrire ce guide, sur différentes thématiques : c’est quoi l’intermittence ? comment ça fonctionne ? comment on devient intermittent ?…. Il me semblait important de mettre en images la plateforme de pôle emploi. De rendre les choses très concrètes.
De démystifier aussi certaines rumeurs ! J’entendais par exemple dans les studios des gens dire qu’on perdait à travailler plus que tant d’heures. Ils sortaient des chiffres de nulle part ! En regardant de près tous les chiffres, j’ai compris le calcul des allocations et leur optimisation. Ca permet de « sécuriser » ses rentrées financières et de mieux gérer ses contrats.
La réalisation du guide m’a demandé quasiment 8 mois de travail, pris sur mon temps libre, le soir après le boulot ou pendant mes vacances. Quand le pôle Image Magelis m’a contacté pour me proposer de publier ce guide, j’ai immédiatement accepté. C’est Magelis qui a financé la relecture, les corrections, la mise en page, l’impression et la diffusion ! J’ai pu collaborer à toutes ces étapes. Et je remercie particulièrement la maquettiste Morgane Parisi et Géraldine Zannier pour leur aide. C’était une expérience très enrichissante ! Je remercie également l’association les Intervalles pour avoir donné un coup de main et partager le guide avant que Magelis vienne collaborer avec moi.
3/ À qui s’adresse-t-il prioritairement ?
J’avais eu départ plutôt imaginé ce guide pour les étudiants. Mais finalement, je me rends compte qu’il est vraiment fait pour tout le monde. Et même autant aux intermittents qu’aux non intermittents ! D’avoir fait des dessins un peu humoristiques permet vraiment de le rendre accessible à tous.
Comprendre comment l’intermittence fonctionne permet de tordre le cou à certaines idées fausses. Les intermittents ne sont pas des assistés ! Ils ne vivent pas grâce aux impôts des autres ! Être intermittent induit aussi une charge mentale pour le calcul de ses heures, la gestion de ses contrats qui peut être pesante
Dans certains secteurs, comme la danse ou le spectacle vivant, l’intermittence permet par ailleurs de financer les heures de répétition. Dans l’animation, elle permet de rémunérer le travail personnel, l’auto-formation…. Tout ce qui fait que chacun reste compétitif.
4/ Pensez-vous que les informations que vous transmettez dans ce guide devraient être plus enseignées dans les écoles ?
À l’école, un juriste était venu nous parler de ces questions générales du droit d’auteur et de l’intermittence mais ce n’était pas très concret. En plus c’était en fin d’année, à un moment où nous étions très pris par notre film de fin d’études. On se disait qu’on verrait ça quand on travaillerait ! On comptait sur les « anciens » pour nous expliquer…
Je pense que tout dépend vraiment des écoles. Dans les cursus « classiques » type DNMADE, cela peut être compliqué d’intégrer des cours sur ce genre de sujet.
Dans d’autres cursus, j’ai l’impression que ces sujets arrivent toujours soit un peu tard, soit en période de surchauffe… Souvent, ces notions restent abstraites tant que l’on n’y est pas confronté. J’ai l’impression que, globalement, les écoles ne nous préparent pas assez à ce qu’est le monde des studios. Beaucoup d’écoles nous forment à être auteurs/réalisateurs. On ne nous apprend pas qu’il existe d’autres métiers et qu’on peut s’épanouir par exemple dans la création de décors, dans les FX ou dans l’assistanat. Il y a tellement de corps de métiers, notamment en 3D, qu’on aborde de manière succincte et qui ne nous laisse peut-être pas le temps de creuser une de ses spécialités, mais c’est juste le témoignage de mon parcours scolaire. Je pense que c’est le genre d’enseignement qu’il faudrait presque dispenser une fois les études finies. Quand les étudiants sont libérés de la charge du diplôme. Mais c’est aussi compliqué d’envisager avoir encore un cours à ce moment-là… Le guide sert aussi à ça ! A donner des réponses au moment où on en a besoin. N’importe où et n’importe quand !
5/ Pensez-vous proposer ce même type de guide sur d’autres sujets ?
Je vais d’abord m’atteler à la version « 2 » du guide sur l’intermittence : une version réactualisée avec des mises à jour et peut-être quelques nouveaux sujets. J’aimerais ajouter des questions qui me semblent importantes comme l’arrêt maladie ou les congés paternité/maternité.
Le travail à l’étranger pose aussi beaucoup de questions. Beaucoup croient par exemple encore possible la conversion de leurs heures à l’étranger en intermittence. Il faut remettre les choses à plat. Normalement le Pôle Image Magelis publiera de nouveau cette version 2 du guide. Pour moi c’est important que le modèle reste gratuit. C’est ma philosophie…. D’autant plus que l’information que je trouve sur internet est gratuite.
D’autres thèmes m’intéressent également : le droit d’auteur par exemple. Ou le statut d’artiste auteur ou d’auto-entrepreneur… Je vois beaucoup de questions posées autour de ces sujets. Mais là je sais que je m’attaque à un vrai serpent de mer !…
6/ Quels sont vos projets ?
J’ai toujours plein de projets ! J’aimerais bien, à terme faire, un court-métrage. Dès que j’ai un moment j’ouvre ma « boîte à idées » et je développe…. Et je remets tout ça dans ma boîte… J’aimerais bien aussi réaliser un clip ou une performance scénique avec du visuel, ce qu’on appelle le VJing : mixer des boucles d’animation. C’est quelque chose que j’aimerais beaucoup faire avec des amis musiciens ou DJ. Personnellement, quand je suis à un concert, j’adore qu’il y ait des aspects visuels et chercher à comprendre le travail que cela implique.
J’espère aussi continuer de travailler dans les FX en animation 2D. Il y a plein de beaux projets qui se profilent. Alors j’essaie de placer mes billes ! … J’ai quelques studios qui sont en contact avec moi, qui « m’attendent » ! C’est très satisfaisant… Je me sens vraiment épanoui désormais !
Contact : Antoine David – Tel : 0637014024 – Email : antoinedavid@outlook.fr – Instagram : @noctambuleur – LinkedIn : www.linkedin.com/in/antoinedavidanim/