Il y a 10 ans, Jean-Pierre Denève, professeur à l’ESAAT de Roubaix, mettait en place une année complémentaire de formation destinée aux diplômés de DN MADe qui souhaitent intégrer rapidement le monde professionnel : la FCND4 (Formation Complémentaire Non-Diplômante). Malgré le succès évident du projet, cette formation ne vit que grâce aux convictions de ses encadrants, chef d’établissement et studios partenaires et peine à trouver un cadre administratif pérenne. Présentation de ce cursus innovant et exemplaire avec son créateur.
1) Pouvez-vous en quelques mots présenter cette FCND4, la formation complémentaire en cinéma d’animation de l’ESAAT ?
Cette formation, créée en 2015, s’adresse exclusivement aux étudiants diplômés d’un DNMADE Animation ou équivalent pour leur permettre de mieux s’intégrer professionnellement. Elle leur propose une 4ème année composée de 11 modules artistiques et techniques d’une semaine chacun, en alternance avec 1 semaine en entreprise et complétée par une période de stage plus longue. Chaque module est géré par un professionnel spécialiste du sujet.
La formation est interne à l’ESAAT et n’est pas (encore) reconnue par l’Éducation Nationale. Sa mise en place a été rendue possible grâce à l’impulsion des studios locaux qui cherchaient une solution pour maintenir en région les jeunes talents formés dans les écoles des Hauts de France qui souvent quittaient la région une fois diplômés. Elle commence en septembre, par 1 mois de présence en entreprise, à la demande des studios qui y trouvent le moyen de mieux connaitre le stagiaire et ainsi mieux l’insérer. A l’issue des modules, fin mars, le cursus se clôt par une période d’immersion de 3 mois.
Comme il s’agit de stage long, l’étudiant reçoit une indemnisation de 530€ par mois pour un mois complet.
La formation se termine par la validation des acquis, sous forme d’un entretien d’embauche d’environ 15 minutes avec l’équipe de l’ESAAT, le studio partenaire et d’autres professionnels locaux.
Il s’agit d’une FCND (ndlr : Formation Complémentaire Non Diplômante) qui rassemble entre 10 et 14 étudiants par an.
2) Quels en sont les principaux objectifs ?
Le principal objectif de cette formation est de faciliter l’insertion professionnelle dès la sortie d’un DN MADe. En rassurant les étudiants sur leurs compétences et en leur montrant qu’ils peuvent tout à fait s’intégrer dans le monde professionnel.
Avant, la seule alternative d’un étudiant bac + 3 était de poursuivre en master. Souvent très onéreux.
Il était très important pour moi que cette formation soit gratuite, accessible aux jeunes qui ont envie ou besoin d’entrer plus rapidement dans le monde du travail. Car certains élèves n’ont pas les moyens d’intégrer une école privée pour 2 années de plus.
Et pour les studios, l’ambition est de créer un format qui leur permette d’accueillir sur une période longue des jeunes diplômés qui peuvent poursuivre leur montée en compétences.
3) Quels sont vos critères d’admission ?
La formation est ouverte aux étudiants en fin de 3e année d’un DN MADe Animation (BAC+3) ou équivalent. Nous leur demandons les bulletins de 1ère et 2ème années, un book, une bande-démo, un CV et une lettre de motivation expliquant leur envie de suivre cette formation.
Il est important de comprendre, et j’insiste toujours sur la particularité de cette formation lorsque j’envoie les dossiers de candidature, qu’elle s’adresse à des personnes qui ont vraiment envie de s’insérer rapidement. Il y a un vrai engagement envers les studios qui prennent aussi de leur temps pour examiner les dossiers et qui vont organiser leur pipeline de production en fonction des stagiaires qu’ils accueillent.
Dans un 1er temps, j’examine toutes les pièces du dossier et effectue avec mes collègues un 1er tri. Celui-ci est d’autant plus nécessaire que nous recevons parfois des candidatures de personnes qui ne viennent pas du tout du monde de l’animation et qui pensent que c’est ouvert à tous.
Cette année, nous avons reçu environ 20 candidatures (pour 10 places possibles). Il s’agit majoritairement de diplômés de l’ESAAT mais nous avons aussi des candidats des DN MADe de l’École Estienne, de celui de Marseille…
Les candidatures ouvrent en janvier et sont clôturées courant mars/avril.
Une fois que nous avons sélectionné les candidats, c’est à eux de trouver le studio qui les accueillera. Nous les aidons dans cette recherche en leur fournissant des listes de studios partenaires. L’entrée dans la formation n’est validée qu’après acceptation du studio.
4) Pourquoi pensez-vous qu’une telle formation soit nécessaire ?
Il n’est pas toujours simple de trouver du travail avec un DN MADe. Ce n’est pas impossible… Mais cela reste très rare et ne concerne qu’1 ou 2 diplômés par promotion.
J’ai récemment effectué un sondage auprès des étudiants du DN MADe de l’ESAAT pour savoir comment ils envisageaient leur avenir immédiat. Une petite majorité se projette dans la vie active. 30% aimeraient continuer dans une autre école. De plus en plus d’étudiants souhaitent se positionner sur cette formation en alternance. Enfin, quelques élèves se réorientent vers un autre cursus, complètement différent.
Je crois que cette formation répond donc véritablement à un besoin.
5) Qu’apporte-t-elle de plus qu’un stage “classique” ?
Le stage classique a lieu sur une période courte. Habituellement 2 à 3 mois. Si cela permet aux étudiants de comprendre la chaîne de fabrication, cela ne les arme pas suffisamment pour comprendre ce qu’est vraiment une production sur du long terme. Notre formation offre un aspect rassurant pour l’étudiant qui comprend qu’il peut avoir une place dans le monde professionnel. Côté studios, un seul stage ne permet pas de connaître de manière parfaite le profil de l’étudiant. Le fait d’avoir une période d’immersion plus longue montre aux étudiants comment se passe la vie d’un studio sur 9 mois, et au studio de bien connaître la personne et de décider de la garder ou non.
6) Avez-vous déjà pu en analyser les résultats ?
Ils sont très bons. Nous sommes très contents ! Pour les 9 premières promotions, le bilan affiche un taux de 90 à 100% d’insertion en région ! A la fin de leur formation, les étudiants sont généralement embauchés par les studios qui les ont accueillis en stage.
De plus en plus les candidats à cette formation la considèrent comme une poursuite d’études courte.
Aujourd’hui, nous avons 14 partenaires réguliers. Sachant que tous ne prennent pas des stagiaires tous les ans at que certains peuvent en prendre plusieurs à la fois. Cette année par exemple, le studio Tchack a accueilli 4 stagiaires.
Au départ, nous nous adressions exclusivement aux studios locaux. Aujourd’hui nous ouvrons plus largement l’origine des entreprises, mais la proximité géographique reste importante sachant que les étudiants doivent venir à l’ESAAT obligatoirement pour les modules.
7) Quels sont vos projets ?
Mon principal objectif est de pérenniser cette formation qui, comme déjà évoqué, ne tient que par la bonne volonté de notre équipe de Direction et équipes encadrantes.
Je travaille donc, avec l’aide de ma Proviseure, à trouver une formule qui permette à cette formation d’être reconnue par l’état. Nous avons eu une réunion récemment avec l’AFDAS et Noranim pour trouver des pistes. La nouveauté de la formule fait qu’elle ne rentre pas forcément dans un cadre. Il faut donc le créer ! Nous devons trouver un support qui permettrait de faire entrer cette formation dans un cadre officiel et pérenne.
Contact : Jean-Pierre Denève – ESAAT – Roubaix – E-mail : jdeneve@orange.fr – Site web : www.esaat-roubaix.com/cinema-danimation/#formation-cinema-animation