Mondialement connue et reconnue pour ses formations en animation 3D, Supinfocom Rubika a ouvert en septembre 2020 une formation en 5 ans en animation 2D. Un nouveau challenge raconté à e-RECA par Pierre Le Pivain, responsable pédagogique de cette nouvelle section.
1/ Rubika est historiquement connue pour sa formation en animation 3D. Pourquoi avoir ouvert une section 2D ?
Ces dernières années, il est vrai qu’on a assisté à l’installation des films d’animation 3D dans les médias du cinéma et de l’audiovisuel. Les productions se sont imposées tant dans leur grammaire graphique que dans leur pipeline, avec quelque fois des effets de bord, menant à une « consensualisation » des styles graphiques. Mais parallèlement, alors que le cinéma d’animation 3D a su s’illustrer à travers des œuvres majeures, on a observé un réel regain d’intérêt de la part du public envers les films d’animation 2D. De plus, il y a eu une véritable renaissance des outils de production pour le cinéma d’animation 2D qui permet, aujourd’hui, d’envisager des développements de film d’animation dans de très bonnes conditions. Il est normal qu’au regard de ces facteurs, on assiste actuellement à un réel retour en grâce de l’animation 2D.
A l’école, nous avons constaté une réelle aspiration des élèves pour la 2D, séduits par ses aspects plus créatifs (et récréatifs !), par sa subtilité dans la narration et par une puissance d’appropriation par le public plus importante.
Et comme j’avais déjà cette idée en tête depuis quelques temps, avec d’autres collègues, cette aspiration n’a fait que conforter l’idée qu’il pouvait être intéressant de créer cette section 2D. Précédemment, en constatant le niveau très médiocre des lycéens en dessin, j’avais créé une classe préparatoire à Rubika avec comme principale idée de remettre le dessin au centre des exigences. Ce recentrage sur le dessin avait renforcé l’idée de créer une section 2D.
2/ Combien d’élèves sont inscrits en section 2D ?
La toute 1ère promotion compte 20 élèves. Grâce à eux nous avons pu mettre en place une sorte de ‘’ laboratoire pédagogique’’. L’année suivante, nous avons pu ouvrir une 2ème classe. L’objectif est de se limiter à 24 étudiants maximum par classe. Pour qu’ils trouvent tous du travail !
Les inscriptions en 1ère année se font via Parcoursup et sur concours.
La 1ère année est à mon sens l’année la plus compliquée. La différence de charge de travail, d’exigence et de rigueur avec le lycée (à moins d’être passé par la prépa) est immense !
Je veux qu’à la fin de cette 1ère année, ils comprennent s’ils sont vraiment faits pour l’animation ou pas. C’est parfois compliqué. Il peut y avoir des moments de doutes. Nous leur apprenons à passer ces périodes. Il y a aussi des choix essentiels à faire. Nous sommes toujours là pour les accompagner.
3/ Qu’est-ce qui différencie fondamentalement ces 2 filières?
Ce qui fait à mon sens la véritable différence entre la 2D et la 3D, c’est la manière d’envisager le récit et le pipeline de production. Une scène 3D, c’est beaucoup de dynamique. En 2D, comme on ne peut pas s’amuser à changer de décors tout le temps, on doit avoir une réflexion tant sur la narration que sur les besoins liés à cette narration, au niveau de la préproduction et de la production. Il faut tout le temps penser au développement du récit. Et très rapidement avoir les idées claires !
La capacité d’adaptation de l’outil par rapport au désir de narration est également différente.
En 2D, il y a tout un vocabulaire du dessin et du geste à intégrer. En 3D, on insistera plus sur la maitrise de l’outil graphique et informatique.
Mais il y a aussi des enseignements communs. Il arrive même que certains étudiants de prépa qui se destinaient à la 3D se réorientent finalement vers la 2D. L’inverse peut aussi arriver, mais plus rarement !
4/ À quels métiers préparez-vous les étudiants de cette formation 2D
Le diplôme obtenu au bout des 5 ans de formation (hors année préparatoire) est un titre, inscrit au RNCP de Réalisateur de films d’animation. De même, c’est un diplôme visé par l’État, donc nous seulement reconnu par l’État, amis aussi reconnu internationalement ! Cela ne signifie pas que les jeunes diplômés seront tous réalisateurs dès leur sortie de l’école. Sauf cas très exceptionnel ! Ils passeront sans doute avant par des métiers plus ou moins techniques qui font partie du pipeline de production d’un film d’animation. Les étudiants auront vu tous les métiers, jusqu’au sound design, au cours de leur cursus. Cela leur permettra de choisir ensuite leurs postes selon de leur sensibilité et leur aisance dans telle ou telle fonction.
La connaissance globale des nécessités d’une production qu’ils acquièrent va leur permettre d’évoluer d’une manière très intéressante. Même s’ils ne sont ‘’que’’ storyboarders, ils pourront se projeter facilement, comprendre les attentes d’écriture au niveau du scénario… Un bon storyboarder, pour bien sentir un projet, doit être un scénariste ! Cela facilite la traduction par l’image.
Nos étudiants apprennent toute la chaîne de fabrication dès le début de la formation.
En 1ère année, ils doivent fabriquer individuellement la reprise d’une séquence de 30’’ d’un film existant en se calant sur la bande son, en respectant les cadrages…
En année 2, ils travaillent en trio sur la réalisation d’un court métrage de 2’ à 2’20’’ sur un thème imposé. Ils reprennent ce même type d’exercice en année 3, mais avec un degré d’exigence de qualité supérieur en matière d’animation.
(Ndlr : les projets des étudiants de 2ème année sont disponibles ici : https://vimeo.com/showcase/9802394 / MdP : Supinfocom2D202).
En 4ème année, ils commencent la préproduction de leur film de fin d’étude (durée d’au moins 5’) qui sera réalisé en dernière année, en équipe.
Parallèlement, nos étudiants ont 2 stages obligatoires à effectuer entres les années 3 & 4, et 4 & 5. Je veux qu’ils apprennent vraiment très rapidement les habitudes des studios.
5/ Quel a été votre parcours avant de prendre la direction pédagogique de la formation ?
J’ai été formé à Penninghen, après un bac Arts et Lettres. Mais j’avais appris le dessin bien plus tôt à l’école : la perspective dès la 3ème. Et le nu en 2nde ! Je suis illustrateur, dessinateur, auteur de BD… J’ai aussi été journaliste, spécialisé notamment dans le jeu vidéo. J’ai participé à quelques productions animées comme décorateur. J’ai aussi beaucoup participé en tant que concept artiste à des productions de jeux vidéo. Et assuré le suivi de production de jeu vidéo J’ai par ailleurs enseigné l’histoire du jeu vidéo et la culture vidéo-ludique. Tout ce parcours a été très formateur. Comme évoqué précédemment, j’ai créé la ‘’prépa’’ à Supinfocom Rubika, avant de prendre la direction pédagogique de la section 2D. Mon ambition est d’être en adéquation avec les attentes des studios. En faisant notamment venir des intervenants qui travaillent ou qui ont travaillé très longtemps en studio.
6/ Comment, à votre avis, se présente l’avenir de l’animation 2D ?
En ce moment, comme je le soulignais au début, il y a un effet de mode sur l’animation 2D. Et il faut toujours faire attention aux effets de mode.
Je pense néanmoins que la montée en puissance des outils informatiques pour la 2D et l’hybridation nécessaire des métiers vont faire que tout va s’équilibrer à un moment. Dans cette société profondément en changement, profondément en crise, les gens vont vouloir exprimer encore plus leurs besoins de s’évader. Au niveau des divertissements, je pense qu’on ne va pas chômer ! Et on ne parle là que des contenus narratifs… Mais on pourrait évoquer aussi les besoins en animation dans les métiers de la communication et autres secteurs.
Je pense qu’à terme, et c’est déjà un peu le cas, on pourra très facilement passer d’un studio 2D à un studio 3D et inversement selon les besoins. On s’aperçoit que sur les productions 2D, il y a quand même des nécessités de 3D. Pour des prévisualisations de décors par exemple. Ou des caméra mappings.
Il y aura quand même toujours cette contrainte narrative et ces contraintes de productions en amont propres à la 2D qu’il n’y a pas dans la 3D.
Pour conclure, il y a 2 choses sur lesquelles je voudrais insister :
La 1ère est qu’il faut vraiment remettre le dessin au centre. Il faut qu’on ait un ‘’regard’’. L’Académisme ne doit pas être un gros mot ! Si vous voulez que votre message soit efficace, il faut qu’il soit maitrisé artistiquement.
La 2ème est qu’il faut arrêter d’être péjoratifs quand on parle d’efforts de production. Nous sommes des créateurs. Nous devons revendiquer notre joie à partager les univers que nous construisons. C’est important ! Il ne faut pas avoir peur de sa passion quel qu’en soit le prix. On ne doit pas négocier avec ses rêves. Ce sont les clés philosophiques essentielles.
Contact : Pierre Le Pivain – Supinfocom Rubika – Valenciennes – E-mail : contact@rubika-edu.com – Tel : 03 61 10 12 20 – Site web : https://rubika-edu.com/