Créée en janvier 2017 par 2 amis, l’un encore étudiant à La fémis, Baptiste Salvan, l’autre vendeur international chez Celluloïd Dreams puis MK2 Films, Gaëtan Trigot, Pentacle Productions a affiché très tôt l’ambition de produire des films de jeunes talents… avant de se faire rattraper par la distribution, notamment d’œuvres d’animation. Rencontre avec son jeune dirigeant.
1) A l’origine, Pentacle est une société de production. Pourquoi avoir créé une branche ‘’distribution’’ ?
Baptiste Salvan : Gaëtan et moi avions des profils très complémentaires. Notre idée de départ était d’accompagner les auteurs de la même génération que nous – que je rencontrais à La fémis et que je n’avais pas du tout envie de voir partir vers des producteurs plus établis ! En créant notre propre structure, nous prouvions à tout le monde notre réelle envie de produire. Nous pensions qu’avoir fait nos études ensemble, avoir les mêmes goûts, les mêmes références, parler le même langage permettaient une meilleure compréhension. Et l’envie d’explorer les mêmes thématiques.
Nous étions peut-être un peu naïfs et avions « oublié » qu’il faut 2 à 3 ans minimum avant de sortir un film. Et que, pendant ce temps-là, une structure doit aussi générer du chiffre d’affaires.
Les étudiants que nous rencontrions avaient déjà réalisé des films. Pour certains hors cursus. Je leur ai donc proposé de nous en confier les droits de distribution. Nous nous occupions de les inscrire en festival, de les vendre aux chaînes de télé, de monter toute la stratégie de communication… en nous promettant que leurs prochains projets, nous les ferions ensemble !
C’est comme ça que nous nous sommes lancés dans la distribution avant même de produire un seul film ! Quelque temps après, Luce Grosjean, de Miyu Distribution, connue pour distribuer de nombreux films d’étudiants en animation et qui cherchait à recentrer ses activités, nous a encouragés à nous intéresser à ce type de films. C’est vraiment elle qui nous a mis le pied à l’étrier… et nous l’en remercions
2) Comment choisissez-vous les œuvres que vous distribuez ?
Nous avions distribué le film d’une étudiante de l’ENSAD qui avait très bien fonctionné en festivals. Je pense que cela a créé un appel d’air ! Plusieurs étudiants sont ensuite venus nous proposer leur film.
Très vite, nos critères de choix ont évolué. Au début, nous choisissions un film en fonction de son auteur ou de son autrice. C’était la rencontre avec la personne qui nous intéressait. Toujours avec cette idée dont je parlais tout à l’heure de peut-être produire son prochain film.
Désormais, c’est le film qui constitue l’élément central de notre choix. Se demander si l’on a envie de le défendre ou pas. Sans se demander s’il est ‘’tendance’’… ou se dire qu’on le choisit parce qu’un ami l’a réalisé. C’est d’ailleurs l’un des grands enseignements que nous avait appris la regrettée Hengameh Panahi (ndlr : fondatrice de Celluloïd Dreams) : toujours garder le film comme boussole et ne pas se laisser aveugler par d’autres facteurs. Nous devons nous demander si le film peut toucher un public, si nous avons envie de le défendre. Nous prenons désormais aussi en compte la possible rentabilité d’une œuvre. Nous devons avoir cette logique économique car la distribution est une activité qui fait vivre la structure. A moins d’un vrai coup de cœur pour lequel nous pourrions accepter de gagner un peu moins d’argent.
Il ne faut pas oublier que nous sommes sur un marché de niches. Unifrance vient de publier les résultats pour 2022 : la vente de courts métrages à l’étranger a généré un chiffre d’affaires global de 840 000€. Certes en augmentation par rapport à 2021. Mais l’augmentation concerne le volume des films vendus et le nombre de distributeurs. Le prix moyen de vente a quant à lui diminué.
Pour en revenir à nos critères, nous sélectionnons principalement des courts métrages d’animation. Avec une envie de plus en plus forte pour les films à destination du jeune public.
3) La distribution de films étudiants requière-t-elle des stratégies particulières ? Est-elle très différente de la distribution de films professionnels ?
D’une façon générale, c’est difficile de vendre un court métrage d’animation. Les débouchés sont principalement sur le circuit des festivals. Mais il y a effectivement des différences de stratégies entre un film professionnel et un film étudiant. Il y a d’ailleurs également des différences dès la production. Le film étudiant bénéficie de conditions et de moyens qui ne s’inscrivent pas dans une réalité professionnelle ! Mise à disposition gratuite du matériel, encadrement par des experts, planning de production plus long…. Les étudiants ont aussi une totale liberté dans le choix des sujets. Ce qui peut en revanche parfois pécher, c’est le son. Peu d’écoles d’animation disposent de section son. Quoiqu’il en soit, j’en profite pour encourager les étudiants à nous proposer leur film : nous sommes très curieux de tout !
Un court métrage professionnel quant à lui est un véritable parcours du combattant ! Les recherches de financement sont souvent tellement difficiles qu’il y a dès le départ une forme d’autocensure qui s’exerce par les retours de commission, la territorialisation des aides….
Lorsqu’on distribue des films étudiants, on distribue la carte de visite de l’étudiant. L’idée est donc de le faire le plus largement possible, dans le plus grand nombre de festivals et même sur les réseaux sociaux. Ce sont des films qui sans doute rapporteront moins d’argent mais seront beaucoup plus vus.
A l’inverse, pour un film professionnel, qui a parfois coûté beaucoup d’argent, l’intérêt est d’en préserver la valeur en jouant sur sa rareté. La présence en festival sera plus réduite au début de la carrière du film : être sélectionné dans un festival de première catégorie et encore plus d’y recevoir un prix donne énormément de valeur à l’œuvre. Son auteur bénéficiera d’une aura particulière qui lui facilitera la réalisation du suivant !
4) Avez-vous remarqué un attrait particulier à l’international pour des œuvres d’origine française ?
Un film français d’animation aura toujours un a priori qualitatif positif de la part des acheteurs à l’international. Cela est vrai aussi pour les films étudiants car les écoles françaises d’animation bénéficient elles aussi d’un vrai rayonnement à l’international. Et puis la France produit beaucoup d’animations. Et depuis longtemps. Et elle est également la championne de la coproduction !
Mais je crains que tout cela entraîne (ou ait déjà entrainé !) un sentiment de lassitude envers les œuvres françaises. Nous avons perdu l’attrait de l’exotisme, de la nouveauté. Certes, les œuvres françaises bénéficient toujours d’une aura positive, mais il devient commun de les sélectionner. Un distributeur n’a pas l’assurance de voir ses films sélectionnés uniquement parce qu’ils sont français. Dans certains cas, cela peut même devenir un handicap. On le voit dans les festivals français. A Annecy par exemple, le ratio des oeuvres sélectionnées par rapport aux œuvres soumises est bien plus faible pour les films français que pour les autres. Même si cela peut nous pénaliser, cela permet une plus grande diversité d’œuvres et la découverte d’autres cinématographies.
5) Et côté production, quelles sont vos motivations ?
Elles vont aussi du côté de l’animation ! Et plus précisément du court métrage d’animation. Si je devais définir une ligne éditoriale précise, il me faudrait définir la ligne éditoriale de mes goûts ! Personne ne peut faire ça. Même sans vouloir faire des profits immenses, il faut quand même prendre en compte l’aspect économique de la production. C’est pour ce genre de raisons que nous abandonnons la prise de vue réelle pour le court métrage.
Si l’on regarde rétrospectivement ce que nous avons déjà produit, il y a un attrait certain pour l’Histoire avec un grand H ! Il peut s’agir de fictions historiques mais aussi de documentaires. C’est une première motivation.
J’aime aussi beaucoup explorer la technique. Nous avons actuellement en projet 3 films documentaires qui utilisent l’animation pour raconter l’histoire. Le premier est le documentaire Les Survivants du Che qui a obtenu l’avance sur recettes. Il mélange animation, archives et prises de vue réelle. Nous travaillons aussi sur un court métrage, La Fille à la recherche de la cabane, que nous avons tourné en Laponie sur les traces d’un artiste français graffeur. Au début du film, l’animation vient se superposer à la prise de vues réelles. Puis tout bascule en full animation. Enfin notre 3ème projet, Fantastic Mirror, porte sur l’épopée de la revue Métal Hurlant, lancée dans les années 60. Et plus largement sur les mystères de la création et de l’inspiration.
6) D’autres projets ?
Nous avons aussi un long métrage en développement, une fiction en prise de vue réelle, sur l’histoire d’un médecin hongrois qui va avoir l’intuition des microbes bien avant Pasteur. Ce n’est pas un documentaire, mais on retrouve notre goût pour l’Histoire et les hommes et les femmes qui l’ont faite!
Nous allons aussi monter une filiale de notre studio à Montpellier pour développer des films d’animation dans le domaine du patrimoine, notamment pour les musées.
Contact : Pentacle Productions – Paris – E-mail : contact@pentacle-prod.com – Site web : https://pentacle-prod.com/