Sorti en juin dernier à l’occasion du Festival d’Annecy, le livre « La Conception d’un Film d’Animation » (sous-titré Tout ce qu’il faut savoir sur la préproduction d’un film d’animation) et édité par Armand Colin, propose, sous forme de définitions synthétiques illustrées par les dessins d’Amaury Brumauld, d’expliquer toutes les étapes qui précèdent la production d’une œuvre animée.
Rencontre avec son auteur, Martin Koscielniak.
1) Pouvez-vous nous résumer votre parcours professionnel dans l’animation ?
J’ai suivi des études d’animation à La Cambre, (École nationale des arts visuels), à Bruxelles, en section Cinématographie expérimentale et d’Animation.
Alors que j’étais encore étudiant, certains de mes films d’étude ont été sélectionnés en festival (et même vendus en télévision) ce qui m’a permis très tôt de rencontrer les professionnels du secteur. En sortant de l’école, j’ai commencé à travailler dans des studios d’animation à différents postes (opérateur banc-titre, superviseur…) tout en continuant de développer des projets personnels. C’est une rencontre au festival Cinanima qui m’a mené vers la formation. J’ai commencé avec un stage au studio Filmógrafo à Porto, dans le cadre de la préparation du film « Clandestino » d’Abi Feijó.
Déjà, pendant mes études, je m’étais rendu compte que j’aimais partager mes connaissances. Et c’est ce que j’apprécie toujours dans le fait d’enseigner : la transmission des savoirs. Après plusieurs autres stages de formation organisés dans des studios, j’ai commencé à enseigner dans des écoles d’animation.
Et depuis vingt-cinq ans, j’enseigne principalement l’analyse filmique, mais aussi la conception et la réalisation pour l’animation. C’est donc naturellement que j’ai ajouté l’écriture à mon parcours professionnel.
2) Qu’est-ce qui a motivé la rédaction de cet ouvrage ?
Lors de mes nombreux déplacements en festival, j’ai vu beaucoup de films d’animation dont certains étaient véritablement très beaux. Mais souvent, je ne les trouvais pas assez « cinématographiques ». J’y voyais plutôt des œuvres plastiques animées. Il y manquait les rudiments cinématographiques qui, de fait, n’étaient pas enseignés dans les écoles d’animation. On nous parlait technique. On nous parlait histoire de l’animation. Parfois principes d’animation. Mais sur la mise en scène : rien ! Je voulais expliquer la nécessité d’une construction narrative et d’une mise en scène aussi pour l’animation.
Et puis mes étudiants me demandaient fréquemment ce que je pouvais leur conseiller comme livre sur le scénario, sur la grammaire cinématographique…. Certains ouvrages existent. Mais généralement, ils sont très indigestes et datés ! Certains ne sont d’ailleurs plus publiés. Et restent introuvables.
Je voulais rédiger un ouvrage « simple », synthétique et financièrement accessible (ndlr : le livre est en vente à 24€). Cette simplification va de pair avec les nombreux dessins qui éclairent les différents sujets traités. Car comment parler de composition d’images, de mise en scène ou de story-board sans illustration ?! C’est impensable. J’ai donc conçu ce livre dès le départ avec l’idée d’illustrer mes propos par l’image. Les dessins et le talent d’Amaury Brumauld y ont contribué très largement.
3) Quels en sont les principaux objectifs ?
Lorsque j’ai commencé à rédiger ce livre, mon premier objectif était de partager les connaissances que j’avais moi-même acquises au fil de ma carrière. Ce partage, je le pratique déjà “en direct” avec les étudiant·e·s pendant mes cours !
Et comme je le soulignais précédemment, je ne trouvais pas dans la bibliographie existante d’ouvrages suffisamment clairs et concis sur ce sujet. Surtout, aucun n’était dédié de manière assez complète à ces différents aspects de la conception d’un film animé. Ces livres sont souvent consacrés à un aspect spécifique des nombreuses problématiques de la préproduction. Mais aucun d’eux ne l’aborde de manière globale.
Alors, il m’a semblé normal de rédiger moi-même ce livre. J’y ai mis à la fois une grande partie de mes connaissances, mais aussi de mon expérience de l’enseignement de ces différentes matières que sont le scénario, le story-board, le layout et la réalisation pour l’animation. Un autre objectif était de proposer une synthèse des différents stades de la préproduction et de ses contraintes, et ce, jusqu’à savoir comment structurer un dossier de présentation pour rechercher des financements.
4) A quel public s’adresse-t-il ?
Même si au départ, j’écrivais en pensant aux étudiants des écoles d’animation, parce que je les connais et que j’ai l’habitude de m’adresser à eux, je suis sûr que ce livre peut être utile à d’autres personnes. Par extension, il peut servir à tous les étudiants en cinéma en général. Il y a beaucoup de concepts filmiques qui concernent toutes les formes de cinéma. Pas seulement le cinéma d’animation.
Plus largement, il peut intéresser tous les créateurs de films. Même ceux qui réalisent des films tout seuls chez eux. Si mon livre peut les aider à mieux construire leurs créations : ça me ferait très plaisir !
Enfin, je dirai que le livre peut concerner tous les passionnés de cinéma. Ceux qui ont envie de comprendre un peu mieux comment on conçoit un film.
Et tous les amoureux de beaux dessins pourront aussi le feuilleter pour le simple plaisir des yeux !
5) Comme évoqué précédemment, il est parfois reproché aux films d’animation de négliger l’aspect ‘’écriture’’ en privilégiant le côté technique. Comment faire comprendre l’importance de l’écriture ?
Pour pouvoir mettre en œuvre les technicités, il faut évidemment que ce soit dans le cadre d’un projet d’écriture et de réalisation. Je suis peut-être trop idéaliste… mais, j’ai envie qu’on me raconte des histoires ! Et je souhaite que mes étudiants se passionnent. Qu’ils soient conscients. Cultivés. Qu’ils ne soient pas seulement des techniciens ! Quand on produit une image, on produit du sens. Et pour moi le sens doit être choisi et maîtrisé. Cela vaut pour tous les films. Même pour les films expérimentaux ou ceux qui échappent à une narration classique – que j’apprécie aussi beaucoup. Qu’il s’agisse d’un scénario classique ou plus abstrait, on peut construire le discours visuel pour que les spectateurs puissent disposer des codes pour suivre le récit.
Concrètement, il me semble qu’aujourd’hui, dans les écoles d’animation, le scénario des films de fin d’études est de plus en plus réfléchi. Et dans celles où j’enseigne, la pédagogie donne une place plus importante qu’avant à l’écriture.
6) De nombreuses écoles d’animation françaises sont mondialement reconnues. Quelles sont à votre avis les principales raisons de

452147UWK_KOSCIELNIAK_CC2024_BAT.indb
cette réputation ?
Je crois vraiment que les étudiants qui sortent des bonnes écoles françaises allient créativité et technicité. Justement parce qu’ils apprennent à construire un film. Parce qu’ils sont cultivés. Parce qu’ils sont ouverts, moins formatés. Parce qu’ils ont vu plein de films et sont nourris de références. Et là, on pourrait étendre au reste de l’Europe. La production est très variée. Il y a beaucoup de courts métrages. Cette variété s’exprime dans une relative indépendance créative qui échappe le plus souvent au formatage systématique des grosses productions mondiales. Les films qui sortent de nos écoles proposent des univers singuliers, très personnels, où la sincérité des contenus et les compétences techniques sont en adéquation avec les exigences des studios.
7) Votre livre traite de la préproduction. Prévoyez-vous un tome 2 dédié à la production ? Et un tome 3 à la postproduction ?
J’ai commencé la rédaction d’un nouveau projet de livre, mais il ne concernera pas le domaine strict de l’animation. Il s’adressera aux étudiant·e·s en cinéma et de manière générale à toutes les personnes intéressées par la cinématographie. La parution est prévue courant 2027. Un gros travail m’attend. Mais l’écriture est vraiment un exercice que j’aime, je vais donc continuer dans cette voie. C’est une grande chance de pouvoir associer travail, partage et plaisir.
Contact : Martin Koscielniak – https://martinkoscielniak.online/