Le MAAAV (Musiques Appliqués Aux Arts Visuels) a rejoint récemment le RECA pour la partie musicale et sonore de son concours de réalisation d’un clip d’animation pour l’égalité entre les genres. Parallèlement, déjà plus de la moitié des écoles du réseau ont conclu des accords avec ce master de l’université LYON 2. Des échanges qui s’annoncent très prometteurs pour tous les jeunes artistes. Jean-Marc Serre, fondateur et directeur du MAAAV, a répondu aux questions d’e-RECA.
1) Pouvez-vous nous présenter le MAAAV en quelques mots ?
Le MAAAV est une formation en 2 ans (niveau Master), créée en 2007, qui forme des compositeurs à l’image (et des sound designers). C’est la seule formation universitaire de ce type en France. Il existe quelques formations assez similaires au sein de conservatoires (notamment cnsmd de Lyon et Paris). Le MAAAV est situé à Lyon et dépend du département Musique/Musicologie de l’Université Lumière Lyon 2.
Nous avons appelé cette formation Musiques Appliquées Aux Arts Visuels pour ne pas limiter notre champ d’intervention au cinéma. Le cinéma en fait bien évidemment partie, notamment l’animation, mais également la fiction et le documentaire. De plus en plus d’étudiants se tournent également vers la création musicale pour le jeu vidéo. Nous travaillons par ailleurs depuis 15 ans avec le Musée des Beaux-Arts de Lyon sur des œuvres de leurs collections, et parfois sur quelques livres numériques avec notamment les étudiants en édition de l’école Émile Cohl.
Pour résumer, nos étudiants peuvent créer un environnement sonore et musical sur n’importe quelle « image », animée ou pas !
Dès leur intégration dans le master, les étudiants rassemblent leurs travaux sur leur site personnel. Celui-ci regroupe au bout des deux années, une trentaine de travaux originaux qu’ils ont travaillés tout au long de leur parcours avec autant d’équipes différentes.
2) Quel est le profil de vos étudiants ? Comment les sélectionnez-vous ?
La plupart des étudiants sortent d’une licence de musique, de toutes les universités françaises ou internationales. Nous avons aussi des étudiants plus âgés (aucune limite d’âge), en reprise d’études. Nous avons régulièrement des étudiants de plus de 30 ans, intermittents du spectacle ou professeurs en conservatoire, qui suivent les cours avec nos étudiants en formation initiale.
Le « recrutement » se fait entre les mois de mars et début juillet. Chaque année, 16 étudiants intègrent le cursus. Nous limitons volontairement leur nombre pour éviter « d’inonder » le marché qui reste un marché de « niche ». De toute façon, nous ne pourrions suivre plus d’étudiants car chacun d’entre eux produit environ 15 travaux originaux par an, ce qui, multiplié par 16, représente un travail considérable !
Chaque année, l’ensemble de nos 32 étudiants travaille sur environ 400 projets. Ce sont des projets « courts » (issus pour une grande partie des écoles du RECA), qui obligent à s’intégrer à chaque fois à une nouvelle équipe. C’est très enrichissant et formateur.
Outre l’obligation de remplir des critères « administratifs » (avoir une licence ou une expérience professionnelle validée = VAPP), les candidats, environ 60 postulants chaque année, doivent proposer 3 œuvres originales sur des films librement choisis. Ils doivent ensuite réaliser, en 2 semaines, la musique d’un film court d’environ 3 à 4 mn. Il est important pour nous de pouvoir juger de l’adaptabilité des musiciens. Ces 2 premières étapes se font à distance.
Dans une 3ème et dernière phase, nous rencontrons en « présentiel » tous les candidats pour la sélection finale, ou possiblement en visio s’il s’agit de candidats étrangers très lointains. Pour ces derniers, nous vérifions leur niveau en français car tous nos cours sont dispensés en français.
C’est au cours de cette dernière étape que nous jugeons le potentiel et la motivation des prétendants, ainsi que leurs connaissances et envie du milieu du cinéma (ou du jeu vidéo).
Nous avons également des cours dédiés à la culture cinématographique, dans notre formation.
3) La création musicale pour l’animation est-elle différente de celle pour d’autres catégories d’œuvres ?
La particularité principale de l’animation est qu’elle se bâtit de manière très lente. Les équipes travaillent longtemps pour créer quelques minutes animées. En général, nous faisons rencontrer les compositeurs au début du processus pour qu’ils puissent accompagner toute la phase de création. La musique se met donc en place petit à petit. La finalisation intervient au moment du montage.
Au sein même de l’animation, il faut distinguer les séries des longs métrages. Le travail de création musicale ne sera pas le même. Pour une série, il faut installer un certain nombre de thèmes qui vont être réutilisés. Une part de la musique doit être produite en amont. Et une autre part, écrite ensuite, s’intègre au montage.
Il y a aussi clairement plus de musique et d’habillage sonore dans une œuvre d’animation qui par définition est « muette » au départ. Il y a donc plus de travail. C’est aussi pour cela que les compositeurs aiment travailler sur des projets d’animation : le travail est plus intéressant et plus substantiel.
4) Le MAAAV est partenaire du concours RECA sur l’égalité Femmes/Hommes. Que peut apporter ce partenariat à vos étudiants ?
En premier lieu : la garantie que nos étudiants travailleront sur un très bon film ! Avec de très belles images.
Cela leur apportera aussi de la visibilité. C’est le type de partenariat qui clairement peut offrir une certaine notoriété. Cela ouvre des portes !
5) La question de l’égalité des genres se pose-t-elle également dans votre secteur ?
Concernant le MAAAV, il y a toujours beaucoup plus de candidats masculins que féminins. Cette année par exemple, j’ai 8 jeunes filles qui se présentent pour 55 garçons ! Ce qui mathématiquement donne moins de candidates sélectionnées à l’arrivée !
C’est un problème culturel. Ce déséquilibre s’explique à mon sens principalement par un problème de projection. Il est difficile de s’imaginer dans un métier sans avoir de modèles. Il y a eu très peu de compositrices mises en avant dans les siècles passés, mais c’est en train de changer. Si, en nombre, les compositrices sont toujours moins présentes, elles sont aujourd’hui beaucoup plus mises en avant dans tous les évènements et par de nombreuses institutions, notamment par la SACEM.
Il faut faire attention cependant à ne pas pratiquer une discrimination trop positive pour les femmes au prétexte de rééquilibrer le secteur. Au sein du MAAAV, le recrutement est fait par un homme (Jean-Marc Serre) et une femme (Laetitia Pansanel-Garric, compositrice de musique de film, très reconnue dans le milieu professionnel). Et objectivement, on ne regarde pas le genre des candidats. On les écoute… Et on garde les meilleurs, ou les meilleures !
5) Quels sont vos projets pour cette rentrée 2023 ?
Nous entamons chaque nouvelle année (universitaire) avec un ciné-concert autour d’un film muet pour lequel nos étudiants doivent créer, en 2 jours, 20 à 25 minutes de musique avant d’en être les interprètes, le 3ème jour, en public.
Comme chaque année, dès la rentrée, nos étudiants en master 1 devront par ailleurs choisir une œuvre d’art du musée des Beaux-Arts de Lyon, sur laquelle ils vont composer une musique. Ils recrutent ensuite des musiciens et feront jouer le 11 février 2024 leur création au musée et en public devant l’œuvre choisie. Nous avons été les premiers à proposer cela il y a déjà 15 ans !
Nous organiserons aussi un ciné-concert avec l’orchestre de percussions du Conservatoire de Lyon sur des films d’animation. C’est un évènement que j’organise tous les 2 ans. L’idée est de créer une nouvelle musique sur des films travaillés précédemment. D’autres ciné-concerts sont également en projet, notamment avec le conservatoire de Roanne.
2 à 3 projections au sein de l’université de films dont la musique a été créée par nos étudiants seront programmées.
Enfin, nous serons aussi présents, avec nos étudiants, dans différents festivals : Clermont-Ferrand (court-métrage) dans lequel nous avons créé en partenariat avec le CNSMD de Lyon l’OST Challenge (concours international de composition de musique de film) ; Marseille où se tient fin mars, « LE » festival dédié aux musiques de films ; puis ensuite Annecy dédié à l’animation que le RECA connait par coeur. Depuis quelques années, nous sommes également régulièrement invités au festival Sœurs Jumelles de Rochefort. Nos étudiants se rendent aussi à Valence pour un festival de création musicale en temps limité (ils ont 2 jours pour « remettre » un film en musique).
Tous ces projets nous rendent très visibles et remplissent bien notre année !
Contact : Jean-Marc Serre – MAAAV – Lyon – E-mail : jean-marc.serre@univ-lyon2.fr – Site web : www.maaav.fr/